Retranscription de la série « Babies » sur Netflix par Xanthippe Lazaridis
Documentaire sur 15 bébés filmés pendant 1 an et informations sur des résultats scientifiques : 36 scientifiques de renommée mondiale
Premier sujet – L’amour

Ce sujet hautement intéressant retrace 3 expérimentations majeures sur l’importance du sentiment, de l’amour et du soin.
- La première expérience démontre que quand les pères prodiguent les soins essentiels, ils ont une activation de l’amygdale comme les mères.
- La deuxième expérience montre l’effet de la parentalité sur la façon dont le bébé sera dans le monde.
- La troisième expérience met en avant la relation qu’il y a entre les styles parentaux et la structure du cerveau à seulement 6 mois.
La relation avec nos parents est notre expérience la plus significative. Ca a un énorme impact sur comment un bébé se développe et découvre le monde.

Tel Aviv, Israël
Ruth Feldman
Directrice, centre de développement social, neuroscience
IDC Herzliya, Israël
Une scientifique s’est posée la question suivante : Que signifie l’amour d’une mère/père envers son bébé ? Que se passe-t-il dans le cerveau quand vous tombez amoureuse de votre bébé ? Quelle est la biologie du lien ?
Au début des années 90, nous n’avions pas une complète compréhension du comment les liens entre une mère et son bébé se développaient. Pendant mes recherches, j’ai trouvé plusieurs articles scientifiques qui décrivaient l’importance de l’hormone ocytocine dans les liens entre mammifères.
Et ça m’a vraiment ouvert les yeux. Je me suis demandé si l’ocytocine était impliquée dans les liens que j’ai formés avec mes propres enfants. En 2001, on a commencé la première étude pour tester le rôle de l’ocytocine dans le lien parent – enfant.
On a recruté environ 80 mères et on a voyagé dans tout le pays pour recueillir des échantillons pendant la grossesse, et le premier mois après l’accouchement.
Et on a découvert que les taux d’ocytocine chez les mères augmentent pendant la grossesse, puis restent élevés pendant la grossesse et juste après l’accouchement. Ce qu’on a aussi réalisé, c’est quand la maman et le bébé se touchent beaucoup les taux d’ocytocine chez les deux augmentent et ça donne envie de passer plus de temps avec le bébé.
Le cerveau donne à la mère le sentiment d’une récompense intense.
Plus l’ocytocine de la mère était élevée, plus elle se liait à son bébé.
Mais j’ai toujours su que ce n’était que la moitié de l’équation.
J’ai commencé à me demander ce qui se passait avec les pères.
Pour l’étude suivante, nous voulions voir s’il y avait un impact sur le taux d’ocytocine chez les pères.
On a recruté 80 couples. Et on a mesuré l’ocytocine chez les pères, les mois suivant la naissance de l’enfant. Et les résultats étaient impressionnants. Le taux d’ocytocine des mères et des pères était identique. Et ça a été une grande surprise.
On sait depuis plus de 100 ans que les mères ont une augmentation d’ocytocine pendant la grossesse, l’accouchement, et l’allaitement. Mais où les pères la trouvent-ils ?
On a découvert que plus on interagit avec le bébé en retroussant ses manches, en prenant soin de l’enfant, en le lavant, en le nourrissant, en assumant son rôle de parent… plus la production d’ocytocine va s’activer. Et c’est incroyable.
La paternité est biologique. C’est aussi profond que la maternité.
On sait que quand le bébé pleure la nuit, c’est habituellement la mère qui l’entend. Et peut-être que le père se lèvera, changera le bébé, mais c’est la mère qui n’arrive pas à dormir. Quand on a observé les cerveaux de mamans, on a découvert que la poussée d’ocytocine à la naissance active une structure très primitive… l’amygdale.
Des deux côtés du cerveau. Cela nous rend plus vigilant… on s’inquiète pour le bébé. Et une fois que l’amygdale de la mère est ouverte, elle reste comme ça pour toujours, quel que soit l’âge de votre enfant.
Quand on regarde le cerveau de papa, c’est une autre histoire. C’est environ le quart de ce qu’on observe chez les mères. Mais il y a des familles sans mère.
On avait 48 couples homosexuels qui avaient une relation de couple, ayant eu un enfant grâce à la GPA, et avaient eu le bébé dès le premier jour de sa vie.
On a filmé les interactions entre parents et enfants. Et on a codé ça au laboratoire. On a aussi mesuré les taux d’ocytocine. On a scanné le cerveau des pères. Et quand on a analysé les résultats, on a eu une grosse surprise.
Quand les pères prodiguent les soins essentiels, ils ont une activation de l’amygdale comme les mères.
On ne savait pas qu’on trouverait cela.
La grossesse, l’accouchement et l’allaitement activent le cerveau maternel. Mais il est aussi activé dans la même mesure par les soins donnés.
Peu importe qu’il s’agisse du parent biologique ou d’un parent dévoué. C’est un choix. C’est un choix d’être le parent de cet enfant.

Université de Harvard, Boston, USA
Ed Tronick
Professeur de psychologie,
Massachusetts, USA
J’étais intéressé de savoir ce qui se passe vraiment entre les mères et leurs enfants. Personne ne s’était vraiment penché là-dessus auparavant.
Est-ce que le bébé naît avec des prédispositions à nouer des relations sociales ? Ou est-ce que le bébé est simplement passif ?
Cela m’a mené au développement de l’expérience du visage immobile.
On avait des mères qui jouaient avec des bébés de trois, quatre, cinq mois. Et si le bébé était vraiment enthousiaste, la mère l’était aussi. Puis on demandé aux mères d’arrêter de réagir au bébé… pendant deux minutes pour voir ce que ferait le bébé.
Les bébés ont immédiatement compris que la mère ne réagissait pas comme d’habitude. Ils lui souriaient. Les bébés finissaient pas pleurer. Mais ils continuaient à essayer de retrouver cette relation.
Il est clair que le bébé naît avec la capacité de nouer des relations sociales. C’est quelque chose d’inné et d’important pour nous. Vous êtes sensés vous entraîner. Et si une relation est perturbée, elle a un effet émotionnel très puissant… que ce soit sur un bébé ou un adulte.
Le stress est inévitable. On ne peut pas l’éviter. Une bonne relation entre le parent et le bébé l’aide-t-il à gérer le stress ?
On a alors mis en place une nouvelle façon d’utiliser l’expérience du visage immobile en observant la quantité de stress que l’enfant éprouve.
La première chose que nous faisons c’est de prendre un échantillon de la salive du bébé et regarder le niveau d’hormone du stress appelée cortisol.
Pendant l’expérience du visage immobile…
Le bébé tente d’obtenir une réponse. Ils peuvent se mettre à pleurnicher, ou pleurer, quant la mère ne répond pas… toute sorte de réactions…
Puis, ils finissent par porter leur main à leur bouche pour se consoler.
Quand la maman redevient normale, l’enfant est épouvanté à cause du stress qui a été créé pendant l’expérience et se met à pleurer…
Mais le bébé et la mère ne tardent pas à trouver des moyens de renouer les liens après le stress de l’expérience du visage immobile.
Et c’est très important pour le bébé. Cela signifie que l’enfant peut se fier à cette personne pour réparer quelque chose qui s’est mal passé dans leur interaction.
Quand on regarde les niveaux de cortisol pendant l’expérience, on trouve que quand un bébé a une expérience positive avec ses parents, le bébé est moins stressé pendant l’expérience du visage immobile et montre des niveaux plus bas de l’hormone de stress cortisol.
C’est une trouvaille incroyable, et ça montre l’effet de la parentalité sur la façon dont le bébé sera dans le monde.
Tous les parents ont du mal à savoir de quoi leur bébé a besoin… Mais si vous continuez, vous trouverez les réponses. Faites confiance à votre bébé, il vous dira ce dont il a besoin, et faites confiance à votre instinct pour savoir comment réagir.

Anne Rifkin-Graboi
Head, infancy and early childhood research
Nie, NTU, Singapore
En tant que parent je veux que mes enfants soient indépendants, mais je dois aussi donner des limites. Et en même temps je veux les protéger…
Quel genre d’impact ces choix parentaux peuvent avoir sur le développement du bébé ?
Le cerveau d’un nouveau-né se développe très vite au début de sa vie. Je voulais concevoir une étude qui nous permettrait de regarder si la parentalité affecte le cerveau du nourrisson pendant cette période unique de la vie.
Quand on a commencé à regarder ça, à ma connaissance, il n’y avait pas grand-chose sur les différents comportements parentaux et le cerveau du bébé. Il nous fallait scanner le cerveau de bébés, juste après leur naissance, avant qu’ils fassent l’expérience de différents styles parentaux.
Heureusement, on a eu l’occasion de profiter d’une étude beaucoup plus vaste… l’étude clinique GUSTO à Singapour (2009). Dans cette étude, ces bébés avaient déjà été scannés dans les premières semaines de leur vie.
On avait une base pour le développement du cerveau.
On devait suivre ces bébés jusqu’à six mois…faire un autre scanner de leur cerveau… et aussi observer les différences de style parental.
On a donc observé le comportement parental au laboratoire.
Ce que j’observe vraiment, c’est l’attention et la réactivité d’un parent aux signaux du bébé.
On a eu 20 bébés, et on a évalué le comportement des mères via un système de fiches descriptives. Réagissent-elles à ce que fait le bébé ? Par exemple, on pourrait voir un bébé pleurer. La maman offre-t-elle rapidement de le consoler ? Si le bébé veut prendre quelque chose, laisse-t-elle l’enfant choisir ou choisit-elle pour lui ?
Ces interactions sont très petites et parfois très rapides. Mais au fil du temps, elles s’additionnent pour nous donner une représentation de la relation.
On a observé les différences de style parental. Maintenant, il faut voir comment ces styles parentaux affectent le cerveau du bébé. Et pour faire ça, il fallait faire passer à ses bébés un IRM pour leur scanner dès six mois.
Je suis allée voir ma collègue Anqi Qiu, une experte en imagerie neurale, dont l’équipe a traité les données.
L’hippocampe, la zone vers le milieu du cerveau, différait selon les styles parentaux.
Les bébés qui avaient reçu des soins moins réactifs, avaient des hippocampes un peu plus gros. C’était surprenant, car l’hippocampe est très important pour apprendre et gérer la détresse. Ca suggère que les bébés devaient gérer leur propre stress, parce qu’ils recevaient moins de soutien de leurs parents. Même à six mois, ces différences quotidiennes dans le style parental étaient liées à des différences observables dans la structure du cerveau du nourrisson.
A ma connaissance, c’était la première fois qu’on voyait ça.
Quand un parent est attentif et réactif, le bébé apprend que le monde est un endroit sûr, ce qui lui laisse du temps pour explorer son environnement. Quand un bébé ne reçoit pas ces mêmes signaux du parent, le bébé se retrouve à se concentrer sur la sécurité et le confort plutôt que l’exploration.
Ce qui est important c’est que l’expérience globale de l’enfant se base sur des soins attentifs et attentionnés. Je pense que pour les parents, c’est rassurant.
Source : Documentaire « Babies » sur Netflix
Retranscription : Xanthippe Lazaridis
Xanthippe Lazaridis
4 mai 2020